Ne pas brusquer la mise en route   (Récits supplémentaires)  Imprimer
Résumé
L'équipe de garde échange autour de la situation d'une femme en début de maladie d'Alzheimer qui a dû être hospitalisée pour des problèmes d'emphysème. Alors que son fils souhaite que les gardes contribuent à remettre un certain rythme dans les journées de sa mère, une garde raconte comment elle procède lors du lever, sans forcer, en prenant le temps et les échanges, houleux au départ, qui s'en sont suivis avec le fils.
Description
  • Types d'acteurs : Chef.fe d'équipe, Garde à domicile
  • Type d'acte : Réunion d'équipe
  • Thème(s) : Tension professionnel/proche
  • Concept(s) : Récit
  • Lieu d'observation: Réunions en dehors du temps de soin
  • Région d'observation: Bruxelles
  • Date d'observation: 22/05/22
  • Auteur du récit : Anne Piret
Contexte
Une OSD offrant des services d'AVJ a saisi l'occasion du Plan Alzheimer wallon (2011-2013) pour proposer un projet-pilote : un service de gardes spécialement formées pour l'accompagnement des malades d'Alzheimer (40h de formation, des réunions d'équipe et une intervision avec un psychologue), avec à terme l'occasion de prester des gardes de « nuit » (après 20h ; des négociations étaient en cour avec les syndicats). L'équipe est constituée de 10 gardes, qui ont toutes une formation initiale d'aide familiale. La réunion d'équipe commence ce jour-là par un échange autour du photogramme, utilisé pour repérer les éléments-clés de la situation, puis par des échanges autour des situations qui sont considérées comme problématiques par les professionnelles.
Contexte Méthodologique
J'ai eu 2 réunions avec les responsables du projet-pilote et j'ai suivi une réunion d'équipe de gardes dont j'ai accompagné certaines chez des « bénéficiaires ».
Vignette

Mme B. a été hospitalisée, va-t-elle revenir ? « Quand on arrive à 10 heures, elle dort encore profondément. J'essaie de faire doucement, de mettre progressivement un climat plus « lumineux » dans la maison, j'ouvre les volets. C'est vrai qu'elle a un caractère bien trempé, … mais moi aussi (rires) et elle a bien compris à qui elle avait à faire. J'avais un peu peur, au départ, en voyant le photogramme. Quand elle se réveille, pendant une heure, elle ne parle pas, c'est comme ça. Il faut attendre qu'elle vienne doucement à la conversation. Elle n'a jamais faim. Parfois, à 11 heures, elle n'a toujours rien mangé, mais ça veut dire qu'elle n'a pas encore pris ses médicaments du matin non plus. La première fois, quand le fils est arrivé, il s'est fâché sur moi : « elle n'a pas pris son petit déjeuner, ses médicaments, on n'a pas fait sa toilette !! », j'ai dit : « Stop. Ça ne sert à rien de s'énerver, on va discuter de ce que vous attendez de moi. » La deuxième fois, j'ai bien préparé le café, les tartines, mais si elle n'a pas faim, je ne force pas. Le fils était déjà plus content. Je sais qu'elle lui a parlé de moi, par exemple. C'est vrai qu'elle est très grossière, mais c'est pas méchant. C'est « bourrin/forain ». La troisième fois (la semaine dernière), on a même fait sa toilette complète, mais j'ai appelé le fils, elle fait de l'emphysème, je croyais qu'elle allait claquer là, rien qu'à lever une jambe elle était en sueur, le souffle court. J'ai appelé le fils. Il a dit, oui, oui, je vais appeler le médecin dans la journée. Je l'ai regardé et j'ai froncé les sourcils, alors il a dit, oui, oui, je le fais tout de suite, et il l'a fait devant moi, et elle a été hospitalisée. On dit qu'elle est difficile, mais moi, je pense qu'avec Madame, il y a moyen. Parce que, quand même, elle est en confiance, pour arriver déjà à la toilette à la 3° prestation ! Mais la brusquer le matin, ça non, je refuse. Et puis, c'est quelqu'un qui a un lourd passé familial, qui lui pèse, elle en parle facilement. Elle m'a demandé l'âge de mes enfants, elle m'a dit « ah, c'est comme mon petit fils », et là, j'ai beaucoup de son histoire. Son fils la menace aussi : « Si tu n'es pas gentille avec Chantal, tu iras à l'hôpital ! ». J'ai dit : « ça ne sert à rien, c'est le début, laissez-nous le temps d'apprendre à nous connaître !». La garde interpelle la cheffe: « Vous n'avez rien ressenti, vous ? ». « C'est difficile … j'en ai un peu parlé avec la cheffe des aides familiales. Je n'ai rencontré monsieur qu'une seule fois, il a parlé de l'histoire avec son ex-femme ». On développe un peu le contexte familial, avec une belle-fille qui a été internée psychiatriquement, simultanément le fils a eu un accident qui l'a plongé dans le coma. C'est alors la grand-mère qui a pris en charge les enfants. Récemment, c'est le divorce qui se passe mal, et la grand-mère et son fils souffrent de voir les enfants, confiés à la garde de leur mère dépressive, négligés, voire maltraités. « Madame B. est très affectée par cela ! Elle en pleurait l'autre jour. Elle est très consciente de ce qui se passe. On dit « Alzheimer », mais elle savait bien quel jour son fils voyait l'avocat, à propos de quoi, etc. » La cheffe : « Ce que la famille veut, là, c'est que Madame soit à nouveau rythmée dans ses horaires, mais pas d'un coup, bien sûr ». La garde : « Oui, je crois qu'il y a moyen de faire des choses avec », La cheffe : « On va doucement apporter des repères spatio-temporels », « C'est vrai que si elle ne dort pas bien la nuit à cause de ses problèmes de santé, elle récupère peut-être seulement le matin ! »