5.Le groupe de Gymsana, autre exemple de communauté démocratique   (Chapitre 8)  Imprimer
Résumé
La composition du groupe, l'atmosphère qui y règne et différentes modalités de son fonctionnement sont décrits en soulignant comment l'ensemble contribue à faire de ce groupe une communauté démocratique.
Description
  • Types d'acteurs : Association
  • Type d'acte : Activité
  • Thème(s) :
  • Concept(s) : Communauté démocratique, Micro-politique des troubles
  • Lieu d'observation: Centre (de soins) de jour
  • Région d'observation: Bruxelles
  • Date d'observation: de septembre 2011 à septembre 2015
  • Numéro de page du livre : 187
  • Auteur du récit : Natalie Rigaux
Contexte
Gymsana est une association proposant aux personnes malades d'Alzheimer et à leur proche des cours de gymnastique. La même association propose ses activités à d'autres profils de personnes âgées et/ou fragilisées par la maladie ou le handicap dans différentes villes, dans des salles de quartier pour les personnes vivant au domicile ou dans des institutions. Elle vit de l'apport des bénéficiaires (5 euros la séance par participant·e vivant au domicile, 60 euros par séance pour une institution- tarifs de 2011), de dons et de différents subsides (dont en Wallonie, via la politique d'activation des chômeur·se·s). Des professionnel·le·s diplômé·e·s en kinésithérapie, éducation physique, psychomotricité animent les séances, après une formation de quelques jours en Belgique ou en France (en partenariat avec SIEL bleu ). En 2011, l'ASBL finançait ainsi deux emplois salariés à temps plein et deux mi-temps pour donner les cours (plus 2 emplois administratifs).
Contexte Méthodologique
J'ai suivi douze séances du même groupe dans un quartier bruxellois, rassemblant 4 à 10 personnes malades et leur aidant (conjoint ou enfant) de septembre 2011 à septembre 2015.
Vignette

Le groupe constitué autour du cours de gym dont il a été question en 8.4. est destiné, on l'a dit, aux personnes malades et à leurs proches. La flexibilité de fonctionnement de Gymsana permet que s'y ajoutent des voisin·e·s amené·e·s par les un·e·s et les autres dont le statut eu égard à la maladie n'est pas clair (Éric me dira ne pas leur avoir demandé de diagnostic et ne voir aucun symptôme apparaître) mais aussi l'un·e ou l'autre conjoint·e qui reste dans le groupe après l'institutionnalisation ou le décès de leur proche malade. C'est l'ensemble de ces personnes diverses dans leur rapport à la maladie qui vont vivre le temps du cours une sociabilité chaleureuse. Par exemple, le 20.06.12, dès le début du cours, une atmosphère très amicale s'installe, les gens se congratulent à leur arrivée. Transparait le plaisir des retrouvailles. Pendant la séance perdure cette atmosphère joyeuse – le dynamisme de Lili y contribue. Tout le monde est plein d'entrain. Quand je m'assieds à côté d'Anne – une « nouvelle » - en m'adressant à elle par un « Madame », elle me dit, très gentiment : « Ici, il n'y a pas de « Madame », c'est « Anne ».

Certains traits de la façon d'être et de faire d'Éric contribuent à cette atmosphère : il dégage quelque chose de chaleureux et d'empathique ; il s'adresse à chacun·e par son prénom, le∙a tutoie et l'invite à faire de même avec lui (les participant·e·s feront de même entre eux·lles, sans être invité·e·s à le faire). Il est attentif à ce que « la séance devienne l'affaire des gens », donnant par exemple la clé du local à Bernard qui habite tout près et arrive plus tôt que lui pour ouvrir la salle. J'observe aussi à trois reprises au moins qu'Éric saisit au vol l'initiative prise, volontairement ou non, par un·e participant·e de modifier un exercice proposé pour le reprendre en le renvoyant à l'ensemble du groupe (ce sera par exemple le cas de l'exercice du lancer des deux anneaux évoqué @8.3). Cette pratique permet aux participant·e·s de compter dans le groupe, de pouvoir y prendre part activement. Quand quelqu'un·e est absent·e, les un·e·s et les autres en demandent des nouvelles (en particulier, lorsqu'une des personnes malades entre en institution et que son·a conjoint·e reste dans le groupe). C'est le seul groupe « mixte » (mêlant des proches et des personnes malades) où j'ai constaté une relative symétrie des échanges entre personnes (non) malades. Plusieurs éléments y contribuent. Bien sûr, les troubles de la plupart des malades sont légers. Par ailleurs, le statut de certains membres du groupe est incertain par rapport à la maladie. Enfin et peut-être de façon cruciale, le fait que l'agenda des séances ne soit pas l'expérience de la maladie (contrairement à d'autres initiatives associatives, comme les cafés Alzheimer par exemple) mais bien l'exercice physique dont peuvent bénéficier de la même façon tou·te·s les participant·e·s (dont la mobilité est fragilisée par l'âge, indépendamment de tout diagnostic) contribue à favoriser une certaine égalité (dont on a vu les limites @8.3). Le point commun qui permet ici de créer une communauté malgré les différences liées à la maladie est le besoin partagé d'améliorer sa mobilité.