6. Une aidante sachant se faire aider   (Chapitre 3)  Imprimer
Résumé
En sachant se faire aider par des professionnel-le-s et les structures associatives, Mme Keita va retrouver un équilibre dans la vie avec son mari. Comme Mme Van Bol, Mme Keita sait aller chercher de l'aide, non seulement pour prester des soins auprès du conjoint malade mais aussi pour elle et sa famille, alliant souci de soi et d'autrui, celui-ci n'étant pas exclusivement son mari mais aussi (cf 3.2), ses petits-enfants et les personnes malades du centre de jour où elle est bénévole. Les récits 3.2 et 3.5 concernent aussi Mme Keita.
Description
  • Types d'acteurs : Association, Proche, Psychologue
  • Type d'acte : Soutien aux proches
  • Thème(s) : Manière de voir et de vivre avec la personne, mauvaises relations personne aidée/proche, Sexualisation de la relation
  • Concept(s) : Agentivité, Disposition genrée, Souci de soi et d'autrui
  • Lieu d'observation: Domicile
  • Région d'observation: Bruxelles
  • Pseudo: Mr Keita
  • Date d'observation: undefined
  • Numéro de page du livre : undefined
  • Auteur du récit : Natalie Rigaux
Contexte
Mr Keita est né en 1944 en Guinée où il a obtenu un diplôme universitaire en physique, puis a été professeur à l'université de la 2ème ville du pays. Il a été envoyé en URSS faire un doctorat, puis est rentré au pays. Suite aux persécutions politiques dont les Peuls (son ethnie d'origine) furent victimes, Mr Keita a obtenu le statut de réfugié politique en Belgique où il a épousé une belge (toujours son épouse aujourd'hui) dont il a eu deux enfants. Le diplôme de Mr Keita n'ayant jamais été reconnu eu Belgique, il a eu une carrière professionnelle peu gratifiante qui s'est achevée en 2001 par un arrêt maladie suite à un harcèlement moral au travail s'étant accompagné d'une grave dépression. Dès son arrivée en Belgique, il s'est beaucoup occupé d'une association de défense des Peuls et de leur langue et y a trouvé une reconnaissance très importante pour lui (selon son épouse). En 2008, après une chute due à un AVC, une démence vasculaire a été diagnostiquée, se surajoutant à la dépression. En 2011 (où je le rencontre), le dossier indique une « démence vasculaire modérée » et un MMS à 21/30. Pendant toutes les années où je l'ai rencontré à Ste Monique, le centre de soins de jour qu'il fréquente (jusqu'en 2016) et pris de ses nouvelles (jusque fin 2017), son état est resté assez stable (selon l'équipe). A partir de 2009, une professionnelle est venue deux fois par semaine l'aider à faire sa toilette. A partir de 2010, il a commencé à fréquenter deux jours par semaine Ste Monique à la demande de son épouse. Celle-ci part une ou deux fois par an pour quelques jours (pour aller chez des amis ou accompagner un séjour à la mer du centre d'accueil de jours où elle est bénévole) durant lesquels des aide-familiales passent (en particulier pour assurer la prise des repas mais aussi une présence). A partir de 2017, c'est trois jours par semaine qu'il fréquentera le centre de jours.
Contexte Méthodologique
C'est par Ste Monique (centre de soins de jour) que j'ai rencontré Mr (qui y vient deux puis trois jours par semaine) puis Mme Keita (lors d'un diner avec les familles, ensuite chez eux). J'ai dès lors beaucoup d'observations de Ste Monique où intervient Mr Keita (dont celles à propos de deux journées sénégalo-guinéennnes, cf 8.4.), deux entretiens avec Mme (en 2011 puis en 2014) et deux avec Mr et Mme chez eux (en 2011 puis en 2017).
Vignette

Dans un premier temps, après l'AVC de son mari en 2008, Mme Keita me raconte les difficultés au sein de la famille (ayant alors un fils vivant avec eux) :

« En 2009, on est allé en thérapie familiale. Il y avait beaucoup de disputes, entre autres avec mon fils. Et puis des problèmes d'argent : il en donnait beaucoup, des gens en ont abusé. La psychologue m'a fait comprendre que la maladie neurodégénérative était responsable. Avant, on ne se rendait pas compte, on prenait ça pour de la mauvaise volonté. (…) J'envisageais de divorcer. Je lui avais même dit. Maintenant, c'est apaisé. Le déclic s'est vraiment fait avec la thérapie familiale, et les bilans neurologiques. C'est la maladie, on n'y peut rien. Autant organiser notre vie dans ce sens. »

Dans la mesure où Mr oubliait de se laver, Mme a d'abord commencé par l'aider elle-même à faire sa toilette :

« Il fallait beaucoup négocier. J'ai dit « flute », avec les professionnelles, ça va beaucoup mieux. »

Par l'intermédiaire du centre de jour, elle a appris l'existence de séances de psychoéducation :

« C'est très bien fait. C'est l'occasion de parler à des personnes qui ont plus ou moins le même problème. On apprend beaucoup de ces formations. »

Lors du second entretien (en 2014), elle me raconte avoir loué une chambre à une étudiante via l'association « Un toit deux âges » :

« Je sais que les étudiants ont parfois du mal à trouver un logement. Pour nous, c'est une présence en plus. Parfois, mon mari lui pose des questions saugrenues[1], mais dans l'ensemble, ça se passe bien. » »



[1] Au ton embrassé qu'elle utilise pour en parler, je présume qu'il s'agit d'avances à connotation sexuelle, d'autant que j'ai été témoin à Ste Monique de questions de ce type adressées par Mr Keita à de jeunes soignantes, ce que celles-ci mettaient sur le compte de la déshinibition.